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Atelier image chez BricaBook
Une superbe image
C'est une maison bleue adossée à la colline...
Ah les paroles de cette chanson correspondent à la maison de grand mère, juste que les murs ne sont pas bleus et que nous ne sommes pas à San Francisco , mais au cœur de la Provence, la terre de mes ancêtres. Ses murs sont ocres comme les terres avoisinantes, celle de mon pays natal ce Colorado Provençal que beaucoup nous envient, oui un paysage aux couleurs flamboyantes.. Dans ma famille les hommes étaient ocriers de père en fils. Une tradition quasi millénaire, oui j'exagère un peu, ok , beaucoup même, mais aussi loin que l'on remonte dans notre histoire familiale,tous les ainés travaillèrent sur le site pour différentes exploitations. Mon oncle Hector rendit son tablier en 1992, les ocres synthétiques ayant pris le pas sur les ocres naturels.
Aujourd'hui mamie nous a quittée, les volets sont clos , les persiennes ne sont pas non plus entrebâillées , pour nous préserver de la chaleur torride de l'après midi, cette heure si propice à la sieste. Les volets sont clos et mamie ne se tiendra plus jamais sur le pas de la porte, aux couleurs délavées par les saisons. Je l'entends encore nous houspiller alors que nous bravions la canicule , à jouer à sautiller dans la cour pavée sans chapeau ni casquette , dans l'inconscience de notre jeunesse.
Le crépi de la façade se délite dangereusement , il faudra se décider à faire venir un entrepreneur, et par n'importe qui, un expert qui utilise nos ocres naturels. Je sais que c'était le projet de ma grand mère, elle s'était mis en colère contre mon frère Max, qui s'était gentiment proposé
- Je vais te le faire, ce ravalement de façade , ben voyons , pas besoin d'en faire un fromage , juste moi quelques amis. On tireras la table sous le figuier, tu nous feras ta ratatouille et tes panisses, ta spécialité mamounette Nous avec les potes ,on s'occupera du crépi et ta maison sera tout neuve. T'oublieras pas de faire le plein de pastaga , parce que Rémi et Nans ils se contentent pas d'un chicouloun.
-Agante Blaise, le voilà qui prend pour un entrepreneur. Pff une demeure pareille, du crépi avec de la peinture chimique, t'es tombé sur la tête le minot J’appellerais le Jean Pierre, parce que je vous voit venir. Vous allez vous empéguer , et tout chapacaner , et on y sera encore à l'an pèbre
Max s'était vexé , bien sur. Mais mamie les derniers temps était excusable, avec son Alzheimer débutant, ses sautes d'humeur,parfois agressive, parfois câline, souvent égarée dans ses souvenirs d'antan. Je souris me remémorant moi même certaines scènes anthologiques, nos jeux dans le hall d'entrée, juste derrière cette porte désormais close. Une porte comme dans la maison bleue de Maxime, autrefois ouverte à tous et à toutes.
Oh que j'aime cette maison dans laquelle résonne encore à mes oreilles , l'accent de mamie, le rire des arrières petits enfants qui la faisait répéter encore et encore
- Allez mémé Fanny raconte l'histoire de la parisienne et de dégun .
Et mamounette de soupirer, lever les yeux au ciel et de raconter pour la énième fois.
- Francine, la parisienne, la mère de Tristan, tu sais celui qui habite à l'entrée du village, eh ben non il est pas provençal celui là, même qu'au fond de lui ,il l'est bien plus que certains jeunes du village , elle était montée ici comme tout le monde. A croire qu'ils pensaient tous que c'était guinguette, mais çà me gênait pas. Ça prenait le chemin depuis l'église, pour monter jusqu'à la croix la haut et tout assoiffés ils s’arrêtaient la pour souffler sur le banc qu'il y avait sous la fenêtre. Oui j'ai planté des fleurs à la place depuis et le banc a fini sa vie dans la cheminée. Donc la Francine, elle venait juste en vacances les premières années puis bien sur , elle a eu le coup de foudre pour nos collines ocres, la chaleur de notre accent, et sa belle mélodie Il lui a fallu du temps pour comprendre nos expressions. Mais j'ai jamais tant ri que pour l'histoire de dégun Un été elle avait voulu à tout prix que j'aille au cinéma avec elle, me faire découvrir Aix, parce que moi la ville vous voyez les pitchouns , c'etait pas ma tasse de thé, j’arrivais pas en m'en dépéguer de la Francine, une vraie arapède, elle m'avait prise en sympathie et moi aussi,une parisienne ! Qui l'eut cru ! Bref nous voilà parties , à la ville. arrivées au cinéma , la salle était presque vide Sur fallait être barge pour aller voir un navet pareil, !
- et beh il a dégun ici. que je lui dis. Après le film, en attendant le bus pour revenir à la maison, on décide de boire un coup sur le cours Mirabeau, il faisait un temps magnifique et on entre dans un bar , on était deux chats pelés et un tondu. On s'installe au comptoir et je dis au serveur
- Y a dégun ..., avant que je termine ma phrase, Francine se retourne en sursautant, un peu effrayée :
- Ah bon il nous a suivi ?
- qui çà ?
- Et bien dégun
Et le serveur et moi on explose de rire
Et oui, c'est que la Francine savait pas que dégun chez nous çà veut dire personne
Et les enfants de rire et de lancer des LOL à tout va, les temps changent et les expressions aussi.
Lexique
Dégun définit l’absence de personne
Arapède: Nom féminin pour reprocher de coller d'un peu trop près
an pèbre : « l’an poivre » en provençal. Définit un temps très lointain.
La panisse est une préparation à base de farine de pois chiches , qui se mange en friture ou dorée au four , il faut déguster les plus célèbres qui sont celles de l' Estaque ( une tuerie)
pastaga plus communément le pastis
Chicouloun un doigt (de vin )
S'empeguer s’enivrer
chapacaner bâcler , saccager un travail
Agante blaise, prend, çà, écoute çà
©MBCRéas
Tags : defis, une image, brick à brock
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Commentaires
1AlbertineLundi 21 Septembre 2015 à 10:05- Un texte avec l'accent: quel bonheur ! Cette mamie est un "personnage" bien sympathique !
RépondreUn texte qui a inspiré beaucoup de nostalgie. J'aime beaucoup ta version truculente, et tous ces mots inconnus ! ;)
coucou
c'est un nouveau blog ?
la semaine prochaine , c'est de bretagne que je te répond
bonne journée
bisoussssssssssss
8adèleJeudi 24 Septembre 2015 à 11:28J'ai adoré ce texte "couleur locale" et j'ai pensé au village de Roussillon et son conservatoire des ocres. Merci pour ce texte très vivant et son joli vocabulaire chantant.
Le parler provençal, j'adore !!! Mes grands'parents viennent de là-bas. Nous malheureusement, on a grandi comme des "Parisiens" ;) J'aime beaucoup le caractère de "Mamounette" en tout cas !
10VudemeslunettesVendredi 25 Septembre 2015 à 21:06
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